vendredi 3 septembre 2010

Tour du Balaïtous : J1 - Arrêt "Moulit"

Cette année encore, pour quelques jours de congés estivaux, j'ai choisi d’échapper à la masse infâme des hordes plagistes et de partir à la rencontre de notre vénérable massif des Pyrénées. Selon le désormais rituel (2008 - Tour du Mont Perdu et 2009 - Tour du Néouvielle), je vais partager avec vous les 4 jours de randonnée « gaillarde » que j'ai réalisée début août autour et au sommet du mythique Pic du Balaïtous - le premier de la chaine qui toise les 3000 mètres en venant de l’ouest de la chaîne.

Je vais vous restituer notre aventure épique en quelques 5 billets d’un récit fleuri qui saura j’espère vous captiver, vous divertir, vous faire voyager, et qui sait, peut-être vous donner envie de nous rejoindre !

( Previously, on "Tour du Balaïtous" : Le Carnet de bord )

Jour 1 - Arrêt "Moulit"

Nous sommes mardi matin et la veille, Evelyne DELHIAT - grande papesse de la pluie et du beau temps - nous a dicté avec enthousiasme un dernier bulletin qui nous promet l’enfer. Au saut du lit, « meteo.fr » n’arrange pas le tableau avant vendredi prochain, jour final de notre trip. Du bonheur mouillé en perspective et quelques souvenirs adolescents de « camping de la flotte bleue » humectent mes pensées…

Je parle de « nous » car la "Blonde" et "Peïo" se sont avancés et ont dormi dans mon humble appartement. Le réveil a sonné les 7H00 et nous n’avons pas trainé pour boucler avec sérieux nos lourds sacs-à-dos.

Cette année encore, nous n'échappons pas aux lois de la gravitation universelle et l'addition des litres de rouge, des livres de cacahuètes, des boites d'olives et de moules à l'escabèche nous leste d'un minimum 20 kilos par paire de jambes, voir au-delà des 25 kil’ pour les plus gourmands d'entre nous…


On est dans les start’, mais à quelques minutes du départ de Tarbes, mon mobile sonne et c’est la tuile : cet innocent de Manu, en provenance de sa biterroise région natale, est encore à l’Isle-jourdain (31), à plus d’une heure et demi de ma cité bigourdane… Pour faire clair, on va en prendre autant de retard par rapport à l’horaire prévu… Juste de quoi nous mettre de bonne humeur. On ronge notre frein en vidant la cafetière et en vérifiant une dernière fois nos paquetages. La pression est palpable, il nous tarde tous de fuir vers les montagnes…

Plus d’un tour et demi d’horloge plus tard une nouvelle sonnerie nous signale qu’il est temps pour nous de ramasser Manolo à la sortie de l’A64, puis de prendre la direction de Barzun (64) pour prélever le Basque.

Arrivés chez ce dernier, pour ne rien arranger à nos problèmes de timing, j’ai prévu une « black op' » qui nous mettra dix minutes de plus dans la vue… En effet, quelques jours auparavant, lors des Fêtes de Bayonne, devant la situation capillaire critique du Basque, j’ai pactisé avec son épouse : décision est prise de lui imposer un rasage autoritaire du crâne avant le départ. Je débarque donc chez lui la tondeuse à la main et, le temps que sa Marie nous serve un café, c’en est déjà fini de sa chevelure aussi claire que semée. Ses petites anges, tout juste levées sont un peu effrayées, mais c’est pour la bonne cause.

On reprend la route sans trainer et après avoir traversé Laruns (64), puis laisser Gourette à notre gauche, on avale quelques lacets pour s’arrêter peu avant le col frontière du Pourtalet, au « Caillou de Soques ». C’est le point de départ de notre rando, d’où rayonnent de nombreux et fort achalandés itinéraires.

Le temps qu’un sympathique badaud prenne la photo liminaire et nous nous élançons à travers le raide sous-bois du kilomètre zéro. Un pont plus loin et c’est l’immense vallon d’Arrious qu’il nous faut remonter.


Le soleil est voilé mais avec sa rude collaboration, le premier raidillon ne tarde pas à nous décrocher la première goutte de sueur, celle que tu laisses pendre à ton nez avant de comprendre que ce ne sera pas la dernière. En plus, le groupe à 100% masculin part plutôt sur un rythme cavalier. Ca se jauge, testostérone oblige.



Nous débouchons sur le col d’Arrious après trois bonnes heures de marche. On s’avance avec Lolo sur un promontoire qui nous offre une vue somptueuse sur le lac d’Artouste (et dire qu’on n’a même pas payé



Pendant que je prends mes photos, il me présente les deux choix topographiques qui s'offrent à nous pour atteindre plus loin le refuge d'Arrémoulit :

  • 1H30 en dévalant vers le célèbre lac puis en remontant d'épuisants lacets qu'on aperçoit en contrebas
  • 45 min par le « passage d’Orteigt », le raccourci qu'il me désigne de l’extrémité de son bâton. D'un coup d'œil en sa direction, je comprends vite pourquoi la carte IGN ne le désigne que d’une discrète ligne d’épars pointillés : cet itinéraire fend le flan abrupt d’une énorme masse granitique qui nous domine sur notre droite.
Tacitement, cette option est déjà la notre. L’ascension du "Balaïtous", prévue le lendemain, ne laissera pas sa place aux doutes et la vertigineuse vire qui se présente à nous constitue un bon test pour l’équipe. On évitera les surprises de casting de l’année dernière…

Le temps d’informer les collègues et nous atteignons le déversoir du lac d'Arrious pour arriver au pied du « morceau » : une saignée bien diagonale qui lézarde la dent de roc sur 200 bons mètres. La traversée est assistée d’une main courante : côté droite, le câble gainé nous invite à le tenir, côté gauche le raide précipice nous invite à tenir… notre droite. D’ailleurs, à trop étreindre la main courante, Peïo arrive même à se tailler la paluche. Rien qui n’entrave cependant notre marche en avant dans l’imposant escalier…


Sortis de ces escarpements, la partie est gagnée et au bout de quelques minutes, on aperçoit déjà en contrebas le lac d’Arremoulit dont les environs accueilleront notre groupe pour la nuit.


Après presque 1000 mètres de dénivelé positif, le premier trot de descente de notre journée s’effectue le sourire aux lèvres et c’est sans attendre que nous nous échouons, semi-arasés, sur la dalle de granit qui sert de socle au refuge. Plus loin, le soleil cogne encore fort et stimule le saut dans les eaux glacées du lac d’un branque randonneur belge. Fort rafraichissant même en le regardant.


Il est 15 heures et le temps pour nous de prendre le premier déjeuner commun. Qui sort un original bol de tapenade, qui ses tranches de jambon... Pour cette édition encore, on ne va pas encore mourir de faim. Ni de soif d’ailleurs vu à quel rythme le fourbe Peïo siphonne son plomb rouquin dans nos innocents gobelets, trop heureux d’écouler les pesant litres de rouge qui le handicapent depuis le début du raid…

On clôt la collation d’un réconfortant « cappushito » (NDLR : un cappucino de merde) et la tension nerveuse de la nuit précédente ne traine pas à nous étourdir d’une sale envie de sieste. Le temps que "Balm's" se tartine la face d’une salvatrice couche de crème fraiche et l’on s’endort tous sans remord sur la table de notre repas (sans avoir passé l’éponge, c’est ça aussi qui est bien avec les casse-croutes « in naturalibus »).

Pas tous en fait car en tâche de fond, l’infatigable Lolo est déjà parti en reconnaissance pour la course du lendemain, s’avançant jusqu’au premier col qu’il nous faudra gravir.

Je me moque doucement des habitudes nordiques de Balm’s en matière de protection épidermique, mais, n’ayant rien vu venir depuis les profondeurs abyssales de mon sommeil, c’est avec les jarrets bien cramoisis que je me réveille une heure plus tard. J’enfile donc un joli « leggings » rouge pour les jours suivants… Ma stupeur est d’autant plus grande qu’aucun de mes collègues de torpeur ne souffre des mêmes symptômes. Je pense secrètement que « Manolo » a dû être préservé par la dense toison dont ses origines méridionales l’ont dotée.

Mais pendant qu’on se dore la pilule, les autres crapahuteurs du secteur équipent allègrement les rares emplacements à proximité du refuge. En effet, l’authentique chalet du Club Alpin Français est soudé sur un socle rocheux qui n’offre que peu de places de camping aptes à accueillir les quelques décimètre carré de nos toiles. L’exigüité des environs pousse même « Peïo » et « Manu » à quelques menus travaux de terrassement pour nicher leur dôme « 3 places » au creux d’une large fissure.

C’est déjà l’heure de l’apéro, et de part nos aptitudes naturelles au contact, on y coince un charentais, tendance maritime. Celui-là même rencontré ce matin au point de départ de Soques et qui nous avait fait la gentillesse d’immortaliser le départ de notre petite troupe. Divorcé et accompagné de ses deux minots, on passe un bon moment à refaire le monde en sa compagnie. De notre côté, les différents membres de notre groupe ne se connaissent pas, ou peu, ou de manière croisée, et un bien naturel processus de fraternisation commence…


Comme souvent dans les refuges français, la faim n’attend pas et peu après 19H00, les soucoupes fumantes de potage aux lentilles parfument notre tablée de leurs volutes. Celle-ci s’est vue augmentée d’un nouveau groupe de cinquantenaires bien tapés. Les premiers échanges sont comme souvent cordiaux, mais aussi l’occasion de relancer la guéguerre des régions françaises à base de « et vous, vous êtes d’où »… Classique mais toujours plaisant pour faire l’animation, a fortiori lorsque vous avez dans vos rangs un landais revêche. Et la joute prend une nouvelle dimension quand pour défendre un peu plus son terroir, le bonze déclame d’un trait le poème référence de tout croque-maïs qui se respecte : « Le Pin des Landes », Théophile GAUTIER (1840).


C’est la fin du repas et déjà une fraicheur humide toute lacustre nous pousse à investir la bâtisse pour torcher un dernier verre de bas-armagnac. Juste de quoi se réchauffer et l’élixir fini de libérer quelques discussions. Il décuple aussi les capacités de séduction de ce « jeune » landais de Peïo qui nous en a fait cadeau…


Pourtant, cette dernière bataille ne dure pas. Demain est la journée la plus épaisse du trip et déjà, entre deux rêves, « Manolo » comprend que les trois jours de « balade » qui l’attendent seront probablement plus solides que prévus…




1 commentaire:

Peïo a dit…

Merci l’Ami.
Quel immense plaisir de te lire et ainsi fidèlement le revivre…jour pour jour (déposé le 3 et vécu le 3il y a un mois maintenant !).
Cet annoncé périple aura finalement été une fantastique pérégrination vers les sentes de la convivialité et des bons moments partagés ; la souffrance de la marche n’étant que le vecteur de l’homogénéité de ce groupe.
Vivement le prochain billet dont il est sûr que l’ «aller», au premier degré, saura conter cette ascension fabuleuse du Balaïtous et le «retour», au second voire plus élevé degré, saura mêler humour ou autres allusions intimes sur nos pommes que tu ne manqueras pas bien sûr de croquer.
Ps : je vous réserve moi aussi une petite surprise ‘pouette-pouette’ pour ce prochain billet.

La bise de Lou Landeus.

Adishatz.
Peïo.