dimanche 4 octobre 2009

Tour du Néouvielle : J4 - Prends garde à toi Montagnard !

Comme l'année dernière, je vais vous présenter un nouveau "carnet de voyage", ou plutôt un "carnet de randonnée" : le tour et l'ascension du Néouvielle, en 4 jours. J'ai effectué cette sortie début août de cette année 2009, avec 6 camarades de jeu (l'année dernière, le premier récit racontait le tour du Mont Perdu).

Présentation du "Carnet de randonnée" (premier billet)

Jour 1 : Taxe pour "surcharge bagage" (deuxième billet)

Jour 2 : La grande traversée (troisième billet)

Jour 3 : "Aubert" caille (quatrième billet)





Jour 4 : Prends garde à toi Montagnard !

Comme la nuit dernière, la douce mélodie de la pluie a bercé les rêves fatigués de notre campement. La situation, quoique reposante, vaut à "Jéjé" son second réveil en combinaison de plongée. Et ce coup-ci, même la canadienne old-school du "grand lapin" s'est avérée submersible. Elle avait pourtant dû connaitre pire en 1969, à Woodstock avec ses parents.

Après une brève séance d'essorage, le dernier et copieux petit déjeuner nous permet tout de même d'amorcer dans la bonne humeur cette quatrième et ultime journée. Ce sera celle de l'assaut vers le Néouvielle, monolithe qui nous a toisé depuis le début du parcours.

Nous nous élançons une demi-heure plus tard et force est de constater qu'après 3 jours d'efforts intenses, nous sommes plutôt "en canne" et nos bagages sont eux bien plus légers. Voilà qui nous aidera à finir le tour en beauté. Et il faudra bien cela car un banc nuageux s'est posé en douceur sur le vallon, envahi de toute sa grisaille. Le temps est carrément maussade et la brume à couper au couteau (suisse). Rien de rébarbatif, le début du chemin est facile et bien tracé. Pour le moment, voir nos pieds ne nous sert pas encore. Pour nous rassurer et baliser notre avancée, quelques cloches tintent même à l'encolure d'invisibles laitières locales. Rapidement cependant, la pente s'accentue. Les galets, rendus glissant par l'humidité, s'empilent en virages courts, et nous obligent à poser les mains. On pousse sur les bâtons, on tire sur les buissons.

Le passage est laborieux et met à rude épreuve "Jéjé". Il est désarmé par son anxiété face au vide et l'exercice tourne au supplice. Aucun détour ne figure au topo et il lui faut une fois de plus "serrer les dents". Son vertige ne fait qu'empirer au fil des obstacles. On l'allège, on le rassure tant qu'on peut mais rien n'y fait et c'est laborieusement que nous arrivons sur un petit col dégagé (2439 m) qui marque le début de la véritable ascension.

On y laisse les 2/7 de l'équipe ("Jéjé" + "Laurent") avec, dans ce contexte orageux, les indispensables consignes para-tonnerres : courir, vite, à raz du sol, vers autre chose qu'un point haut ou une fissure. Tout un programme.

Le restant de la troupe prépare la conquête en s'allégeant de tout le superflu : le repas de midi sera léger et froid.
Nous quittons la halte pour attaquer la voie "classique". On dépasse une cascade au-dessus de laquelle nous dévisagent quelques brebis ahuries. Le vide de leur regard, assez caractéristique de cette espèce animale, me lance un frisson dans l'échine. Qu'y-a-t-il de plus con qu'un mouton ? Un troupeau de moutons probablement. Mais ça reste mignon et peu vindicatif. Nous les dépassons sans les défier.

La montée en altitude nous permet de gagner la surface de l'océan de nuages qui noie le massif. Ce phénomène, qu'on ne connait guère qu'en montagne et dans les avions, offre une vue rare sur un matelas de coton géant qui nous donne l'envie de plonger sans retenue de la première falaise venue. Mais la cible de notre course et bien plus haute dans le ciel, juste sous le soleil qui nous cuit maintenant. Quelques centaines de mètres avant, il y a aussi deux névés immaculés qui nous apporterons un peu de fraicheur. Pour nous aider à les franchir, nos deux experts "es-montagne" passent devant et taillent d'impeccables escaliers de glace que nous gravissons avec une rigueur mécanique.

Une fois quittées les langues de glaces, le décor devient plus qu'ailleurs encore un capharnaüm de rocs empilés pèle-mêle. On a l'impression de traverser le sous-sol d'un Tétris abandonné en cours de partie.

Soudain, quelques éboulis résonnent à notre droite et on cerne à l'opposé du cirque rocheux deux isards qui nous régalent de leurs virevoltants pas de danses. Sautant de bloc en bloc, ils franchissent d'un bond la moindre dalle qui nous demanderait 2 minutes d'efforts risqués. On se console en se disant qu'à force de faire les zouaves, il y a parfois des "accidents".

On gravit à petit rythme mais faire "des pieds et des mains" comme nous y sommes contraints change de la randonnée pure que nous avions exercée jusque là.

Arrivé au pied du sommet, à contourner par la gauche, "Muzo" sert un peu les fesses - juste de quoi préserver son caleçon - pour franchir la dernière vire et c'est en ordre groupé que nous atteignons le Graal de notre séjour : le "Néouvielle", qui nous hisse péniblement au-dessus de la barre des "3000" (3097m).

On devise avec quelques touristes belges de passage - "Chef" crois même reconnaitre une "vieille copine de régiment" - mais le petit vent frais et la menace des nuages qui s'accumulent plus bas nous pressent d'avaler sans trainer notre mérité casse-croute saucisse / jambon. Le temps du repas, nous observons avec admiration une téméraire cordée engagée à quelques encablures de là dans la crêtes des "3 conseillers", superbe nervure rocheuse assez aérienne qui joint le sommet par le flanc ouest. Un tel exercice n'est probablement pas pour nous. Nos esprits restent quelques minutes de plus aux quatre vents du sommet alors que nous sommes déjà lancés au pas de charge dans l'abrupte pente du retour.

Au passage, on s'offre un peu "freeride" sur les toboggans de neige blanche croisés à l'aller. Et bien vite nous retrouvons nos deux acolytes, laissés en plan au camp de base quelques temps plus tôt. Loin du chaos de foudre auquel ils s'étaient préparés, ils se sont régalés d'une fin de matinée "farniente", brulante à s'en mettre à l'ombre.

Bien malheureux de récupérer nos bardas respectifs, nous partons tous à la recherche du "Pas du Gat" (le "chat" en patois), portail de granit qui doit nous ouvrir la voie royale vers le "Cap de Long". Si le lieu est connu, son accès depuis notre mini-col n'est pas clairement balisé et nous espérons ne pas trop tergiverser avant de retomber sur ses pattes.

Le manque de repère complique encore un peu la déjà difficile traversée; le repos dont a bénéficié "Jéjé" ne lui a pas permis de sortir de la spirale du vertige qui le trouble depuis le matin. Pour faire face, le "Grand Sécaï" le forme aux rudiments de la grimpe et je découvre au passage ses talents cachés de professeur, espérant que de telles qualités didactiques auront l'occasion de s'épanouir dans un environnement plus professionnel. Dans le finish, juste avant d'atteindre la brèche que nous visons, un pas tendu de quasi-varappe (côté "3 inf") nous force tout de même à dérouter une partie du groupe vers un itinéraire "bis" plus sûr.

Une fois atteint ce "Pas du Gat" (2465 m), nous plongeons vers l'abrupt versant qui constitue la rive nord du lac final. Alors que l'orage gronde sournoisement au loin et qu'une fine bruine entreprend même d'humecter notre équipée, nous croisons une colonne de scouts portugais lancée dans nous ne savons quel périple, rendu des plus risqué par les conditions atmosphériques. Les pré-ados sont encadrés comme n'importe quel camp scout qui se respecte : un enfulte (enfant / adulte) pour 18,5 gamins. Aussi, j'imagine que la troupe chantante doit sécher au fond d'un ravin au moment au j'écris ces lignes. Passons, il parait que les voyages forment la jeunesse.

Quelques minutes de plus et un épais voile de brume ceint nos têtes : pas de lumière. Il étouffe même les bruits alentours : pas de son. Juste de quoi nous angoisser car dans cette purée de pois, rien ne renseigne sur la distance qu'il nous reste à parcourir et quelques goulets délicats promettent à celui qui les négocie mal de goûter la froidure des eaux du lac, 200 mètres plus bas. En plus d'être une des lois de Newton, c'en est une de la montagne et il n'y a rien de choquant à cela, on n'est pas venu faire les boutiques non plus.

Dans ce contexte hostile, "Jéjé" vit un cauchemar. Chaque escabeau de pierre le tétanise, chaque pas mal assuré le crispe à tordre ses bâtons. On a l'impression d'être des chasseur-alpins qui évacue du front un compagnon d'infortune. De leur côté, les deux "Laurent", trop pressés de rejoindre les voitures, s'échappent et nous laissent ramener "le brancard".

Mais soudain c'est la délivrance, et le barrage de "Cap de Long" (2161 m) émerge enfin de l'épais brouillard. Quelques gouttes de pluie nous enjoignent à le traverser au pas de gymnastique. Sur le moment, bien qu'ayant encore deux semaines de congés, mes sentiments sont ceux d'une fin de vacances, mitigés entre plaisir de retrouver la civilisation, et tristesse de quitter un environnement si exceptionnel.

Réuni sur le parking qui fut notre point de départ le mardi et sous la pluie devenu drue, le groupe jette enfin ses bardas à l'arrière des véhicules, restés dociles après quatre jours d'absence.

L'arrivée est fêtée avec comme il se doit et nous investissons la proche auberge du barrage pour débriefer le trip. Entre deux éclats de rires, on engouffre quelques crêpes et d'amplement méritées binouzes. Le tenancier, montagnol local qui a dû en voir d'autres, nous régale de quelques contes à touristes. Il nous narre particulièrement les exploits sans limites des frères "Ravier", emblématiques pyrénéites porteurs de barbe et d'espadrilles. On en a presque l'envie de repartir.

Comme l'année passée, la formule "beau circuit + beau temps + bon groupe" donne toujours le même résultat : "pur bonheur". Et passée l'émouvante cérémonie des adieux, je pense déjà à l'année prochaine : tour de l'Ossau ? du Balaïtous ? du mont de Vénus (un p'ti peu d'alpinisme...) ?

Espérant que vous aurez pris autant de plaisir à lire ces lignes que j'en ai eu à les écrire. Amitiés sportives.

Fin.

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