mardi 14 septembre 2010

Tour du Balaïtous : J2 - Aujourd'hui, c'est bal à "ïtous"...

Cette année encore, pour quelques jours de congés estivaux, j'ai choisi d’échapper à la masse infâme des hordes plagistes et de partir à la rencontre de notre vénérable massif des Pyrénées. Selon le désormais rituel (2008 - Tour du Mont Perdu et 2009 - Tour du Néouvielle), je vais partager avec vous les 4 jours de randonnée « gaillarde » que j'ai réalisée début août autour et au sommet du mythique Pic du Balaïtous - le premier de la chaine qui toise les 3000 mètres en venant de l’ouest de la chaîne.

Je vais vous restituer notre aventure épique en quelques 5 billets d’un récit fleuri qui saura j’espère vous captiver, vous divertir, vous faire voyager, et qui sait, peut-être vous donner envie de nous rejoindre !

(Previously, on "Tour du Balaïtous" : Le Carnet de bord, J1 - Arrêt "Moulit" )

J2 - Aujourd'hui, c'est bal à "Ïtous"...

Ce premier réveil est déjà un plaisir : les rares rais de Ra font du lac le plus beau des miroirs. Une à une, les cimes s’illuminent comme pour accompagner sans heurt notre réveil.


Mais nous n’avons pas le temps de lambiner. Aux tentes citoyens, le jour de gloire est arrivé. Petit déjeuner et corvée d’eau s’enchainent sans délai.

On n’a pas encore les épaules sanglées que la colonne des montagnards avec qui nous avons partagé notre dîner de la veille nous dépasse, légers chambrages à l’appui. Ils nous précédent en direction du Col du Palas (2517 m) où ils vont bifurquer vers le sommet homonyme.

Pour notre part, arrivés à ce passage frontière, nous plongeons - au figuré - vers les Lacs d’Arriel (2259 m), à travers une rayère cassante à souhait. Elle nous oblige à étendre les compas de bloc en bloc, compliquant la tâche des petits gabarits du grupeto, particulièrement ceux avec les jambes au format "A4". Une demi-heure plus tard, on touche le point le plus bas de la matinée avant de commencer la longue remontée qui nous mènera vers le sommet du Balaïtous.


On chauffe rapidement et au changement de t-shirt, « Manu » nous offre l’étonnant spectacle de sa toison pectorale, ciselée avec soin par ses collègues de férias en forme de… cœur. Un grand romantique ce Manolo.


Balm’s nous régale de quelques abricots secs et on repart trouver notre chemin. Car le topo ne nous est que d’une faible utilité : il a été oublié par le Basque dans la boite à gant de la voiture. Peïo a bien quelques souvenirs de son survol théorique du champ de bataille, mais rien de nous ne convainque.

Aveuglés par sa réputation, on fait donc confiance à l’instinct pyrénéiste de Lolo et on finit par…se paumer. Un régal au regard des inutiles 200 derniers mètres de dénivelé tout en glacier et moraine qu’on vient de s’enquiller.
A l’heure de la réflexion, nous nous trouvons donc nichés au cœur d’un cirque (que je baptise illico « Zavatta » en hommage au clown qui nous y a mené…) aussi superbe qu’inutile à gravir pour atteindre notre objectif.


Peïo se délecte de miner le moral du groupe en claironnant qu’il « l’avait dit qu’il fallait prendre à gauche au début », mais le mental collectif est solide et résiste à sa sordide entreprise de déstabilisation.


Une traversée de névé plus tard et on retrouve l’itinéraire théorique. On planque sommairement nos sacs pour entreprendre la "grande diagonale" qui nous mènera à l’Everest du jour.

Ici, la végétation se raréfie, le roc se pèle. Mais la nature étant décidément bien faite : ce que l’altitude prend en verdure, elle le rend en points de vue. Dans le paysage lunaire où nous évoluons, chaque palier franchit dégage son lot de crêtes au premier plan, de sommets juste derrière, de vallées encore plus loin. Tout cela manque de poteaux électriques et de rubans de bitume mais on s’y habitue tant bien que mal.



A mi-hauteur, le chemin se tend quelque peu et on dispense les dernières consignes : ne pas essayer de rattraper un objet qui tombe, faire attention aux chutes de pierres, sourire sur les photos - au cas où ce serait la dernière - …


Plus que jamais, Manu « le Baladin » prend la mesure de la différence qu’il existe entre ce qu’il pensait réaliser et ce qu’il réalisera. Quelques pas plus loin, quand un duo de français que nous croisons nous indique que
«
ça passe en posant les mains », il est clair qu’il ne s’agira pas de marcher à quatre pattes, mais plutôt d’un secteur qui nécessitera un minimum d’escalade et un maximum de prudence. Rien d’insurmontable cependant. Pour preuve, aucun des groupes que nous croisons ne s’encorde. Non vraiment, juste de quoi prendre 100 mètres de chute dans les membres si tu mets le pied au mauvais endroit.


On dit que les Pyrénées sont des montagnes jeunes. Et bien le Balaïtous est un vieillard, qui perd ses dents.

Partout, les blocs en équilibre instable menacent de leur chute. Avant le départ, le « Grand lapin » -absent du trip cette année - avait précisé que l’ascension craignait particulièrement quand les groupes précédents, espagnols de surcroît, larguaient quelques rocs dans leur effort. Nous les précéderons donc. Malin le lapin.

L’ascension est délicate mais pas fourbe. Pas de faux-cols, ou d’infranchissables barres rocheuses sur notre parcours, et au sortir d’une dernière cheminée, c’est assez vite sur la droite qu’on aperçoit la vilaine pyramide de tubes métalliques qu’ont apposée les topographes espagnols pour signaler le « superior » du Balaïtous et la séparation qu’il marque entre les 2 pays voisins.


Le rond sommet nous offre une vision panoramique sans partage sur des dizaines de kilomètres carrés : l’Ossau (2 884 m) crâne seul dans son coin, le Pallas est à portée de main mais ce serait trop facile, le Vignemale (3298 m) taquine à l’Est (tour 2011 ?). D'ici, les lacs ne sont que des flaques dans lesquelles on voudrait sauter à pieds joints... La vue « 3D » de Google Earth ne pourrait que s’aplatir devant un tel spectacle.




Une mitraille de photos plus tard, on repart vers le lointain terminus de la journée, le refuge de Larribet (2065 m) qu’on aperçoit au fin fond de sa vallée, comme un gommette qui serait plantée sur une de nos cartes.


La descente est à peine plus « coton » que la montée. Ca tire sur les quadriceps et la petite pose sous l’abri Michaud (2700 m), rustre hospice niché au cœur de la roche espagnole, fait du bien. Sauf pour « Peïo » qui, en revenant d’immortaliser la vierge "protectrice" siégeant à l’intérieur, se fend le bulbe sur le bas linteau de la tanière.


On récupère les sacs déposés plus tôt au Rocher du déjeuner (2644 m) pour les alléger de quelques victuailles et nous voilà reparti, un névé plus loin, à l’assaut du Col Noir (2625 m), passage tout aussi étroit et raide dans la réalité que sur la carte.

Pour économiser l’eau, on a fait l’impasse sur le traditionnel café du midi et pourtant nous commençons déjà à manquer. Le début de journée a vidé nos gourdes, et le mur que nous nous enquillons sur la digestion n’arrange rien à nos affaires. Enfin, l’arrivée au col marque notre retour en France, pays civilisé où le sentier devient plus évident.

De ce côté-ci de la frontière, sur notre droite, le vieux Balaïtous s’est laissé pousser une barbe de nuage qui le rend encore plus respectable.


En contrebas, la sente salit d’infusibles névés qu’il nous faudra donc traverser.
Pas sûr de l’opération, a fortiori avec la charge que nous avons sur les reins, j’enjoins mon collègue Lolo à nous dérouter vers la caillasse aval. Sans succès. Il s’engage, fait cinq pas, le sixième se dérobe et l’envoie faire 20 mètres de toboggan pour une arrivée « fracassante » dans un bac à gravier. Bâton de marche fracturé, mais c’est mieux qu’une cheville. Et ça vaut tout les recommandations du monde. On contourne donc, autant qu'on puisse, l’obstacle par le dédale de caillasses.


La soif rendant peu difficile, Balm’s et Manu ont la présence d’esprit de prélever quelques précieuses gourdes de flotte au goutte à goutte que fourni la fonte de la proche patinoire.

La descente devient plus sympathique lorsque nous fondons sur les
Lacs de Batcrabère.O
n y croise trois ouailles nordistes en perdition, à la recherche d’une mystérieuse vire de rattrapage après avoir loupé une bifurcation. Les nuages qui déboulent de la vallée ne les requinque guère plus que les quelques indications de rattrapage que leur donne notre navigateur en chef.



On les quitte pour finir d'atteindre - enfin - notre objectif du jour, l

e refuge de Larribet (2065 m), et ses bienfaisantes bières...



Au passage, nous jetons comme d'habitude un coup d’œil sur le champ de bataille environnant, histoire d’organiser un déploiement rapide de nos infrastructures à la tombée de la nuit.
Un jeune couple est d’ailleurs déjà établi en contrebas, au milieu d’un terrain paraissant suffisant pour également nous accueillir.

Le r
efuge est désert, fuis des montagnards face aux annonces défaitistes d'une météo troublée. A l'heure de la toilette, on ne fait donc pas la queue pour affronter l'eau glacée mais revigorante des douches du chalet.
On debrieffe la belle journée autour d'un verre et de quelques olives, mais déjà le cuistot rameute les maigres troupes pour avaler sa bonne tambouille.
Ce soir encore, on la partage avec
un professeur divorcé. Cette deuxième rencontre en deux jours nous permet d'établir une statistique cinglante : 100% des professeurs, hommes, avec 2 enfants, divorcent.


On sympathise forcément et nos voix montent un peu plus aux cieux à l'heure du digestif. L'assemblée est clairsemée et il n'y a guère qu'une paire de couples à la table à côté pour en souffrir.



Avant de partir implanter nos tentes,
on questionne subtilement le mâle de la paire de tourtereaux aperçu précédemment quant aux capacités d'accueil de son aire. Droit dans ses bottillons,
le jeune homme nous explique sobrement que dans les environs de sa tente, « il y a des trop de pierres » qui nous empêcherons de déployer notre campement. Il se croit même obliger de rajouter - argument subtil - que comme il a prévu de se lever le lendemain à 5H00, le risque de perturber notre sommeil matinal est important.


Après analyse rapide et collective de ses propos, il apparaît en fait simplement que l'élégant jeune homme n'est qu'un sombre connard. Il essaie juste de nous dissuader de venir troubler ce qui doit être sa lune de miel. Manque de bol, le choix des emplacements est réduit et c’est sans plus attendre que ma pomme, le basque et Balm’s déployons nos toiles à proximité. Dès qu’il comprend nos intentions, le prince – charmant - nous enjoint à « aller discuter au refuge parce que eux se lèvent à 5 heures du matin ». Ne pipant mot, nous continuons mécaniquement l'assemblage de nos dômes. Et dès lors quel plaisir, quelques minutes plus tard, quand Peïo et sa grande bouche arrivent
pour une improbable imitation du cri le la marmotte,
inconscient des mises en garde du suzerain des estives.


Juste de quoi s'endormir avec les jambes lourdes, mais le coeur léger et le sourire aux lèvres.



A suivre...

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Magique.
Les photos sont à tomber par terre !
Y'a pas à dire elles sont BELLES NOS PYRENEES !

Christophe a dit…

GG65 : LE "Jean Ferrat" des Pyrénées. Il te reste plus qu'à aller te retirer dans un de ces petits villages...

Mais d'accord avec "anonyme", avec un jetable on fait quand même de belles photos.

En attente de te lire, Christophe

Peïo a dit…

"Les conquérants du Balaïtous"

On ne voit en passant par ces montagnes vertes,
Vrai domaine escarpé du pays de l’Ossau,
Surgir des sentiers et des estives désertes
D’autr’s gais lurons que ces marcheurs en sac à dos.

Car pour gravir ce fabuleux pic graniteux,
Ces hommes, modestes grimpeurs des Pyrénées,
Qui n’avancent qu’à pas toujours méticuleux ;
Dans sa diagonale pénètrent enjoués !

Tout en maintenant le cap coûte que coûte,
Ces alpinistes versent larmes de sueur
Et s’agrippent à sa falaise sans un doute
Comme de vieux isards que rien ne leurre.

Peu à peu se dénoue l’ascension périlleuse ;
La cordée amicale avance en un seul tout,
Franchissant la dernière brèche vigoureuse,
Pour enfin conquérir ce fameux Balaïtous !


... à mon tour et comme promis dans mon premier commentaire, voilà maintenant ici contés en 12 pieds -même si nous n’étions que 5 paires- 3144 m de plaisir et 4 jours d'excursions enchanteresses, hautes en couleur et poésie...

Peïo, lou Landeus (Poête, pouette pouette !).

La bise amicale.
Adishatz.

Canard65 a dit…

C'est ENORME Peïo. Un grand BRAVO !!!!