mardi 28 septembre 2010

Tour du Balaïtous : J3 - De l'ombre à la lumière...

Cette année encore, pour quelques jours de congés estivaux, j'ai choisi d’échapper à la masse infâme des hordes plagistes et de partir à la rencontre de notre vénérable massif des Pyrénées. Selon le désormais rituel (2008 - Tour du Mont Perdu et 2009 - Tour du Néouvielle), je vais partager avec vous les 4 jours de randonnée « gaillarde » que j'ai réalisée début août autour et au sommet du mythique Pic du Balaïtous - le premier qui toise les 3000 mètres en venant de l’ouest de la chaîne.

Je vais vous restituer notre aventure épique en quelques 5 billets d’un récit fleuri qui saura j’espère vous captiver, vous divertir, vous faire voyager, et qui sait, peut-être vous donner envie de nous rejoindre !



J3 - De l'ombre à la lumière...

Quand sonnent les 6H30, on s’ébroue ce matin dans une fraîche humidité. La chute de température nocturne a condensé sur nos toiles amidonnées nos ronflantes expirations et dehors, une fine bruine finie de détremper le campement. Et nous ne sommes pas seuls à être refroidis par la tournure des éléments (sic) : nos délicats voisins de la veille, avec 1H30 de retard donc, n’ont toujours pas plié leur dôme. La situation arrache un sourire à notre grupeto et motive même le landais à en rajouter une couche sous la forme d’un « mais vous êtes encore là » (sic) aussi cinglant que le frimât matinal.


Entre deux assauts nuageux, on se place sous le protectorat de la salle « hors sac » du refuge de Larribet (2 060 m) pour prendre la collation matinale. Pendant qu’on étanchéifie nos bardas, le butagaz se démène pour nous apporter le réconfort d’un café bouillant.

15 minutes plus tard, notre armée mexicaine, toute en poncho, navigue à vue entre les dalles glissantes pour finir de descendre le vallon entamé la veille.



Cette marche de transition doit notamment nous permettre de faire la jonction, en fin de journée et pour la dernière soirée, avec l’épouse du Basque et une de ses amies. On ne se presse donc pas car il s’agit avant tout de faire bonne figure et d’arriver dans des conditions de fraicheur suffisantes pour éviter moqueries et persifflages de la gente féminine.

Le chemin serpente autour de paisibles vaches en mode « broutage » et au premier franchissement du ru local, on devine dans la purée de pois atmosphérique le triplet nordiste de la veille, toujours à la recherche de leur mystérieux passage mais surtout plus paumé que jamais. Le moral de leur piètre mais sympathique navigateur est encore un cran en-dessous de la veille mais la montagne semble l’avoir rendu, à cette occasion, philosophe.


En fin de val, le ruisseau devient torrent pour s’unir au gave d’Arrens, descendu en travers du col de la Peyre St Martin (2 295 m), point culminant de notre journée. Le versant qui nous fait face est marqué d’un long sentier diagonal bien tracé et on ne peut plus explicite sur l’itinéraire qui nous attend. La suite est à l’avenant et, dans cette longue « remontée mécanique », mettre un pied devant l’autre devrait suffire.



Autour de nous, une enveloppe de brume persiste. Elle étouffe les sons, et nous offre une ambiance des plus gothiques. Ca tombe bien, une émouvante cathédrale de granit émerge devant nous. La lente fluctuation des couches cotonneuses qui la baigne lui donne une présence toute particulière en ces lieux reculés.



Passé cet émouvant tableau, nous rattrapons la petite famille rencontrée la veille. Les gosses pètent la forme et distancent gentiment leur père en rabotant les virages et court-circuitant l’enchainement des lacets. Comme je le faisais à leur âge. Qu’ils en profitent, avec 20 kilos de plus dans le dos et 20 ans de plus dans les pattes, ils feront moins les marioles.

Entre deux en-cas céréaliers, de fiers isards nous narguent du haut de leur muraille. On sent bien que Lolo boue et nous les décrocherai bien comme les fruits qu’il ferait tomber d’un arbre…mais la nature est décidément trop belle pour qu’on en reste à ces barbares considérations.

La matinée se finit avec en ligne de mire l’énorme ciel « azul » de l’horizon ibère. Quelques brebis pas trop galeuses - Ah, l’air des cimes - nous accueillent au col pour déboucher sur le vallon de Campo Plano, havre de paix verdoyant qui nous laisse baba. La France nous fait ses adieux d’un zef qui pique l’échine et qui nous pousse plus bas à l’abri de bienvenus blocs espagnols.


L’horaire prévisionnel, battu à plates coutures, nous autorise à prendre notre temps pour le repas. On sacrifie même une demi-heure en détente horizontale sous un soleil rutilant. La bascule du côté espagnol nous a fait définitivement oublier la maussade matinée française.


La descente finale vers le refuge de Respumoso (2 200 m) n’est qu’une délicieuse formalité. On baguenaude sans fin sur les vertes et accueillantes prairies aragonaises, à la planéité cocasse dans un secteur accablé par tant de tourments géologiques. Si on n’avait pas rencart, on se laisserait presque tenter à bivouaquer dans un des larges coudes du ruisseau qui se traine là, aux sabots même des lourds canassons qui nous scrutent sans soucis.


La sente s’accroche au flan septentrional du gros lac artificiel, constellée de fleurs d’un côté, baignée dans des eaux à la limpidité quasi-suspecte de l’autre. Alors, certes, le chalet-usine (capacité d’emport de 120 touristes…) manque un brin d’authenticité mais ce serait oublier la corolle de sommets et crêtes acérés qui ceignent le complexe et lui donne aussi sa part de magie.


On atteint la bâtisse dès 15H30, grouillante de scouts estivaux comme souvent, pour débriefer la courte journée et suivre les conseils avisés de Balm’s, notre préparateur (en laboratoire de) physique. Bière à la main, semi-comateux sous un soleil radieux, nous ne sommes encore une fois pas loin du bonheur même si (ou peut-être parce que) on ne sait pas trop ce que font les filles de leur côté. Le planning du basque reste vaseux et on ne s’inquiète donc guère pour les amazones.


Il est 18H00 quand les nénettes déboulent, fringantes bien que chargées des précieuses provisions visant à agrémenter la soirée, et devant surtout nous permettre d’échapper aux repas réputés insipides de la cantine proche. Le temps de renfiler le sac-à-dos et on trouve, après quelques décamètres à rebrousse chemin, une vasque de verdure à fond plat, accueillante et taillée sur-mesure pour notre campement élargi. Pour cette dernière soirée, c’est avec une pointe d’émotion qu’on passe en mode « camping ».


Dans ces conditions idéales, pas besoin de passer à la TV pour que notre diner soit « presque parfait ». Les réchauds s’échauffent, les ravioles régalent, les gamelles tintent, les gobelets se remplissent, les gobelets se vident, les gobelets se remplissent, les gobelets se vident… Mais surtout, indubitablement, les deux touches féminines apportées à la tablée font gagner aux débats quelques bienvenus grammes de finesse.



Mais le temps file et autour de nous, le cadre fini de s’animer : les hautes cimes roussissent, les basses eaux s’obscurcissent, la fraicheur s’immisce. On ne traine guère après le coucher du soleil pour investir nos dômes et s’abandonner à nos lassitudes. De quoi dérouler une nuit tranquille et réparatrice.


Mais au cœur de celle-ci, Balm's me réveille d’une inhabituelle activité. Répondant à mes succinctes interrogations, il me vante l’impressionnante voute stellaire qu’il vient de contempler au détour de son pipi nocturne.


Je ne résiste pas à la pulsion « céleste » qui me pousse à mettre le nez dehors pour contempler le spectacle. Il me rejoint, et pour une heure, nous plongeons dans le plus grand et le plus noir bain d’étoiles qu’il m’ait été donné de voir depuis une année-lumière (au moins). La pollution lumineuse des cités est loin, la Lune a eu le bon goût de partir en vacances et dans ces conditions, la voie lactée - plus laiteuse que jamais - fend les cieux sans retenue. Pour ne rien gâcher, c’est aussi la « saison » des étoiles filantes, et on assiste dans le laps de temps à une véritable fusillade de météorites. Ce genre d’atmosphère fait de vous un nain sidéral et s’avère toujours propice aux échanges. Juste de quoi vous inviter à refaire le monde avec un vieux pote jusqu’à ce qu’un de nos colocataires nous demande amicalement de la fermer. Celui-là même - landais - nous reprochant même le lendemain matin de ne pas l’avoir réveillé pour assister au spectacle.


A suivre...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

ENORME !
Et .. Se peut-il que de nouveaux alexandrins ponctuent agréablement cette journée .... !!!
Merci quand même à l'auteur du 1er poème, le 1er d'une longue liste, j'ose espérer ....