Comme l'année dernière, je vais vous présenter un nouveau "carnet de voyage", ou plutôt un "carnet de randonnée" : le tour et l'ascension du Néouvielle, en 4 jours. J'ai effectué cette sortie début août de cette année 2009, avec 6 camarades de jeu (l'année dernière, le premier récit racontait le tour du Mont Perdu).
Présentation du "Carnet de randonnée" (premier billet)
Jour 1 : Taxe pour "surcharge bagage" (deuxième billet)
Jour 2 : La grande traversée (troisième billet)
Jour 3 : « Aubert » caille
En cette orageuse nuit, la pluie matraque nos toiles de tente un bon moment. Et au réveil, force est de constater que cela ne nous a pas empêché de dormir, au moins pour le team que je constitue avec l’acolyte « Muzo ». Par contre, "Jéjé" a passé la seconde moitié de la nuit en apnée dans 3 cm d'eau, et la situation semble avoir singulièrement troublé son sommeil. Pour sa part, le "Grand Lapin" a retrouvé une mobilité cervicale inespérée ; une nouvelle occasion pour lui de remercier de manière appuyée "Laurent" et ses magiques antalgiques.
Le rituel du petit-déjeuner est maintenant bien intégré : on charge nos accumulateurs de quelques biscuits et sucreries, on se réchauffe d'un café soluble ou d'un thé. Et c'est amusant de voir les uns et les autres se romanichelliser au fil des jours. Je crois que cette vie de bohème commence à nous plaire.
On prend notre temps et il est prés de 9 H lorsque nous engageons le pliage des tentes. En ce troisième jour, le miracle de la veille ne trompera finalement personne : on se rend compte que "Peïo" et "Laurent" ont en fait lors du précédent pliage, sans talent aucun, fracassé un arceau carbone de la "2 seconds" amicalement prêtée par "Le Basque". Preuve qu'on ne s'improvise pas du bâtiment, quand bien même on sait faire "voler des avions".
Détrempée de la nuit, la bassine du "Bastan" est encore plus verte et rafraichissante qu’hier. Nous la quittons à contrecœur, non sans avoir pris quelques clichés panoramiques et emplis nos poumons de toutes les effluves alpines révélées par l'ondée nocturnes.
Nous amorçons la descente vers le « lac de l'Oule », point bas théorique de notre matinée. Après avoir quitté le lac « médian » (2215 m) dont les berges ont accueilli notre soirée-étape, nous laissons de côté son frère « inférieur » (2141 m), tout aussi décoratif, pour dévaler d’abruptes estives où l’on croise de nombreux randonneurs qui passeront la journée dans le havre de paix du "Bastan". Les chanceux !
La dernière partie de la descente s'effectuera dans la superbe "Sapinière du Bastanet". Avant de nous y engouffrer, une pause générale nous autorise à « fumer » à titre personnel quelques bienveillantes sapinettes. Plaisir originel rare, ici renforcé par la bucolique vue qui nous est offerte en ces instants fragiles. C'est donc le cœur et le corps léger, que nous rallions le célébrissime « GR10 » pour atteindre les flancs du « lac de l'Oule » (1819 m). Après un court chemin de ronde autour de la flaque se dresse devant nous la remontée vers le « Col d'Estoudou » (2260 m).
Rien de faramineux mais comme le topo annonce une journée facile, une irrépréhensible envie de durcir le rythme monte chez les plus compétiteurs d'entre nous. Une fois quelques « Balisto » et carrés de chocolat avalés, nous nous lançons sur la sente herbeuse qui serpente au milieu des sapins chevelus. Rapidement, les virages se serrent et quatre groupes distincts se forment : les deux kenyans blancs (Le Basque + Le Grand Lapin), les anciens de l'ENIT (ma pomme + Muzo), le groupe "Chef" (Peïo + euhh… Peïo), et le groupe « Rest In Peace - » (Laurent + Jérôme).
On travaille le « cardio » et la première goutte de sueur se pend au bout de mon nez. Le rythme est bon, « Muzo » est dans ma roue. Mais quand à mi-parcours les lacets deviennent des escaliers de racines, autant mes grand « compas » avalent les marches naturellement, autant le bougre se trouve défavorisé. Après une demi-heure de trail, on débouche sur une estive où le soleil nous cogne et dont la vue dégagée nous fait comprendre que nous ne sommes pas encore au bout de nos peines. Elle nous signifie aussi que nous ne boxons pas dans la même catégorie que les deux « grands » qui nous précédent. Leur cadence infernale nous a distancé depuis longtemps et plusieurs centaines de mètres nous séparent des deux dingues. Ya pas photo et on est pourtant « au taquet ». On apprendra plus tard avec soulagement qu’eux aussi l’était. Toute cette montée a une petite saveur de « chemin des chasseurs 2008 » - mur dantesque gravit l’année précédente dans lequel j’avais pris la même branlée athlétique.
Fort heureusement, bien que le temps paraisse long dans ces instants difficiles, on ne met pas longtemps à atteindre le col. Il nous dispense comme nombre de ses congénères d’une superbe vue dominante sur une vallée inédite. Celle que nous quittons nous en avait mis plein la vue, la prochaine n’est pas vilaine. Y trône deux lacs dont un nous rappelle quelque chose. C’est bien entendu le « Cap de Long » à partir duquel nous nous élançâmes 3 jours auparavant ! On devine même le parking où sont garées nos charrettes.C’est épatant de voir le début de notre parcours, notamment le sale raidillon qui nous a cassé nos p'tites pattes arrière d'entrée de jeu. On se remémore alors le chemin parcouru et c'est le point fort de ce tour : la cohérence d'ensemble que donne la boucle. On traverse une pléiade de paysages énormes et tous différents pour finalement revenir au point de départ en ayant l'impression d'avoir assemblé toute les pièces d'un magnifique puzzle.
Mais trêve de rêveries bucoliques car déjà résonnent quelques coups de téléphone inopportuns ; le groupe s’est recomposé et les plus engagés de nos éléments rassurent les familles restées désemparées dans leur vie civile. Rien de répréhensible donc.
On se vautre sans attendre dans la douce prairie qui nous accueille. Un petit zef offre même sa fraicheur et séchera nos t-shirts trempés de sueur le temps du repas. On passe ce dernier à échanger sur nos boulots respectifs, nous rendant bien vite compte que l’essentiel de la vie professionnelle d’un ingénieur est passée en masturbations intellectuelles improductives et lutte de pouvoir stériles. Toujours intéressant de pouvoir donner un sens à sa vie professionnelle.
Repus, les éléments les plus en forme de la troupe s’offrent une excursion gratuite et rapide vers le « Soum de Monpelat » (2472 m), point culminant de la journée situé en amont de notre salon / salle-à-manger. On y profite d’une superbe vue sur le sommet du Néouvielle, "bouquet final" que nous cueillerons dès le lendemain. D’ici là, une belle après-midi s'annonce : le temps est au beau fixe et le relief à venir exclusivement descendant.
On passe ramasser les « somnolants » restés au pied du sommet pour s’élancer en direction du duo des lacs (Aumar et Aubert) qui nous accueilleront ce soir. La marche à flanc de montagne nous amène à croiser nombre de badauds en chemin pour le « lac d’Orédon » qu’on observe en contrebas. On passe sur cette section en configuration « balade », flânant entres les grands sapins qui tapissent les alentours, rafraichis de quelques ruisseaux ourlés de leur épaisse mousse. Un paysage qui n’a probablement pas grand chose à envier à ceux des grands parcs américains dont nous saoule « National Geographic ». La « réserve naturelle du Néouvielle » vaut bien celle de « Yellowstone », les geysers en moins.
Au bout d’une heure et demi d’un effort léger, nous arrivons au lac d'Aumar (2193 m, mais dans lequel nous ne vîmes même pas ne serait-ce qu’une écrevisse...). Ses eaux à la transparence improbable nous enjoignent comme souvent à plonger tête la première. Nous n'en faisons rien car le finish est proche. Son jumeau d'Aubert (2148 m) n'est qu'à quelques encablures que nous franchissons au pas de course. Le temps de nous ravitailler en eau, de nous débarrasser astucieusement des poubelles et il est déjà 17H30 quand nous arrivons sur le barrage. Un horaire que les nuages, tapis jusqu’alors derrière les crêtes qui nous cernent, choisissent pour commencer à couler jusqu’à notre campement. Devant la menace, j’anticipe quelque peu l'heure règlementaire d’ouverture du bivouac pour déployer mon camp de base, au grand dam des plus pointilleux de mes coéquipiers.
L’homme civilisé ne pouvant négliger sa toilette même en de telles circonstances, je m’autorise, accompagné du « Basque » et de « Muzo », une baignade dans le bel étang d’Aubert dépassé de quelques dizaines de mètres. Chacun fait son possible pour assurer sa toilette avec pudeur et discrétion. La présence de l’ours suscite assez de craintes dans cette vallée et il s’agit de ne pas en rajouter. Effrayer les quelques touristes qui se hasardent sur les bords du lac serait trop néfaste à l’économie locale…
Mais déjà, le plafond nuageux devient plus menaçant. Une invitation à rejoindre le campement que nous acceptons sans sourciller. Encore quelques gouttes de pluie plus tard et c’est le branle-bas de combat pour les derniers réfractaires au montage. Le temps de dresser à la hâte les derniers « tipis » et tout le monde se rue sur mon « igloo » (pré-monté) où je les attends pour commencer l’apéritif rituel.
Avec les sept gaillards que nous sommes dans ma tente Quechua « 2 seconds », on frôle le record du monde de densité humaine (23 personnes dans une cabine téléphonique).
Certains sont en position « tailleur », d’autres en diagonale… Bref, nous sommes tous de travers, un gobelet à la main, une boite d’olives ou un paquet de chips entre les fesses (petite précision : il s’agit des fesses de deux personnes différentes…). Ça jacte, ça rigole, et l’ensemble de la scène constitue un des moments « chaleureux » qui font aussi apprécier ces sorties. « Chaleureux » aussi car notre enchevêtrement nous permet de regagner en quelques minutes les degrés de température perdus en extérieur dans la demi-heure précédente.
Ce soir, il n'y a pas de refuge pour nous offrir le couvert et nous profitons donc d’une accalmie pour nous constituer le buffet garni sous de magistraux sapins en bordure de campement. C’est notre dernier repas du soir et sa composition est riche : charcutaille, soupes, pâtes à cuisson rapide (très forts ces chinois), compote, chocolat… Un festin montagnard qui nous régale et qui s’arrose comme il se doit, ne serais-ce que pour lutter contre la température en chute libre. Et comme les rigueurs du climat et l’isolement favorisent plus encore la connivence au sein de notre groupe, la soirée vire au mémorable. Les anecdotes s’enchainent, les calembours fusent, chacun amène sa pierre à cet édifice de rigolade qui nous permet de partir au lit le ventre plein et le sourire aux lèvres.
On en profite d’autant plus que demain sera le dernier jour de notre trip, avec le sommet du Néouvielle en point de mire.
2 commentaires:
Oser comparer le parc du Néouvielle à Yellowstone, il faut dire que c'est culotté. Mais le narrateur y met tant de coeur qu'on y croit sans sourciller.
On t'emmène l'année prochaine. Tu finira par y croire.
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